Soins à Domicile Montréal est la seule agence de soins à domicile abordant le processus de vieillissement de façon novatrice et scientifique. Partout, nous établissons de nouveaux standards en matière de soins aux ainés. Dans “Carnets de Soins”, nous vous présentons des Canadiens qui nous livrent leur émouvant témoignage sur leur réalité de proche aidant auprès d’une personne atteinte de démence.
Tous nos matins commencent de la même façon. Quand j’arrive chez ma cliente, elle ne me reconnait pas, mais elle m’accepte, car je travaille pour elle depuis plusieurs mois déjà. Je suis réconfortée à l’idée que quelque part dans son cerveau, elle me reconnait ; elle sait qui je suis, mais à cause de l’Alzheimer, elle n’arrive pas à recoller tous les morceaux. Je pousse son fauteuil roulant jusqu’à la salle de bain où je lui brosse les cheveux devant le miroir, je lui mets son rouge à lèvre couleur rubis et je la vaporise de son parfum préféré.
Le bulletin météo prévoit une journée chaude et ensoleillée. Madame aime sortir. J’ai préparé un lunch pour moi et un sandwich au poulet supplémentaire pour elle. J’ai aussi prévu un sac de croustilles et une surprise : de la bière d’épinette. Elle m’a déjà dit qu’elle en buvait tous les jours quand elle était plus jeune. Je lui dis que nous allons faire une promenade et passer la journée à nous prélasser au soleil. En cours de route, elle me demande plusieurs fois où nous allons. Je lui réponds gentiment toutes les fois que nous allons au parc. Le même parc où nous passons la plupart de nos journées. Elle fait le même commentaire à propos de la colline escarpée, tend la main pour toucher les mêmes fleurs, sursaute aux mêmes bosses du trottoir, comme si c’était chaque fois la première fois.
Nous trouvons un coin sous les arbres où le soleil brille à travers le feuillage et l’éclaire comme un projecteur. Je bloque les roues de son fauteuil roulant à cet endroit. Elle a une magnifique vue sur l’étang et les canards. Elle mange de petits morceaux du sandwich que je lui ai préparé. Elle en prend quelques bouchées et me le rend. Mais je sais qu’elle a faim, parce qu’elle a refusé de manger son petit déjeuner. Je lui laisse le temps d’oublier qu’elle m’a rendu le sandwich et je lui en offre encore comme si c’était la première fois. Je répète le manège à quelques reprises jusqu’à ce qu’elle l’ait tout mangé. C’est un petit truc que j’ai appris lorsque j’ai commencé à travailler avec elle. Elle refusait de manger son lunch, mais me répétait qu’elle était affamée dès qu’elle me voyait manger mon lunch, car il lui rappelait qu’elle avait faim.
Elle passe ses après-midis à faire le plein de soleil. Ses yeux restent fermés et elle fredonne des chansons en souriant. C’est dans ces moments-là qu’elle est plus heureuse, c’est dans ces moments qu’elle se souvient. Elle reste parfois assise ainsi pendant des heures sans rien dire. Elle raconte parfois des histoires de sa jeunesse. Elle me parle de ses enfants. De son mari. De ses voyages. De tout ce qui lui vient à l’esprit à ce moment-là. J’en apprends un peu plus à son sujet tous les jours. Aujourd’hui, elle reste silencieuse, je me contente donc de lire mon livre et de profiter de sa présence.
Lorsqu’arrive la fin de la journée, elle est très fatiguée. Je lui dis au revoir et elle me souhaite une bonne nuit et me dit qu’elle espère me revoir le lendemain et je suis toujours heureuse de lui répondre que je serai au rendez-vous.
Il faut avoir une personnalité particulière pour être aide-soignante. Il faut avoir de la patience et de la compassion. Vous ne pouvez pas savoir ce que la journée vous réserve. Certaines journées sont calmes, d’autres sont difficiles et d’autres encore vous briseront le cœur. Mais on se lève tous les matins et on se rend au travail parce que nos patients ont besoin de nous et dépendent de nous. Il n’y a pas de meilleure sensation que de savoir qu’on change la vie d’une personne.